Etude de texte : L’incipit (texte bac)
Un incipit a plusieurs fonctions :
- la présentation du cadre spatio-temporel et des principaux personnages, leur relation
- il lance les principaux thèmes et les principaux registres
- il inscrit l’œuvre dans un genre particulier (roman policier, fantastique…)
I. Le brouillage des genres : conte ou roman ?
L’incipit de L’Ingénu on a bien la présentation du cadre et des personnages, mais de façon déroutante car cette présentation se fait tantôt à la façon d’un conte, tantôt à la façon d’un roman.
A. Les caractéristiques d’un incipit de conte
1. L’ouverture
- La formule d’ouverture « un jour », propice à la rêverie, qui ouvre le récit, entraîne le lecteur dans un pays lointain.
- Le caractère merveilleux du récit dans l’ouverture « la montagne qui se déplace sur l’eau et fait une révérence ».
2. Les personnages
- Le prieur et sa sœur : Ce sont des personnages réduits à quelques traits principaux, sans complexité ni psychologie, ils sont stéréotypés. Ils aiment :
- le plaisir « s’amusait » : le prieur
- Mlle de Kerkabon « son caractère était bon et sensible ; elle aimait le plaisir»
- « aimé de ses voisins, après l’avoir été autrefois de ses voisines » montre la sympathie, la bonté du
prieur
- ils ont des noms emblématiques : Kerkabon (« ker » renvoie à leur appartenance bretonne, « bon » renvoit à la santé). Voltaire se moque gentillement de ses personnages.
- Le Huron: le personnage masculin type des contes merveilleurs est caractérisé par sa perfection physique et morale. Le narrateur utilise des expressions laudatives (qui fait l’éloge) pour caractériser le Huron. Il apparaît par ailleurs comme un personnage exotique, le narrateur insiste sur ses vêtements et sa coiffure, or au XVIIIè siècle l’exotisme est très à la mode à cette époque (ex : les Milles et une nuits), des contes qui viennent des pays orientaux et américains.
3. Un ton léger
Plusieurs procédés comiques sont utilisés pour créer un ton léger. On a des répliques naïves de personnages (réplique du Huron « les côtes de France ». Les allusions grisoires, à la sexualité penchant pour Mlle de Kerkabon pour le plaisir de l’amour et un désir charnel, qu’elle n’a jamais connus. Un récit simple, qui s’inscrit dans le genre du conte merveilleux.
B. Les caractéristiques d’un incipit de roman
1. Un cadre spatio-temporel précis
Contrairement aux contes, le récit est ancré dans le réel.
- La date « 1689, le 15 juillet »
- Les lieux sont réels et précis dans la baie de Saint-Malo, ça se passe en Bretagne.
- Le narrateur fait des références à des évènements réels.
- Le départ de Fréote dans les années 60 au canada donc on a un univers vraiment ancré dans le réel.
2. Le chapitrage
- Le découpage en chapitre implique qu’on entre dans un récit assez long.
- Le titre narratif, qui donne les principaux éléments du chapitre, qui est typique du roman du XVIIIè siècle.
II. Un incipit au service de la satire
A. La satire de certaines croyances propres à la religion catholique
Les catholiques adorent Jésus, marie et les Saints, ils ont un sentiment sacré à leur égard, la croyance/la foi aux miracles. Voltaire, dans son ouverture, ridiculise ces croyances.
Voltaire choisit d’inventer un miracle, un épisode invraisemblable « la montagne » puis un détail parfaitement grotesque « profonde révérence ». « Sainte profession » est une expression absurde, puisque ‘’Saint’’ et ‘’profession’’ sont deux mots incompatibles. On n’est saint qu’après la mort.
Le décalage total entre l’histoire racontée (purement inventée) et l’histoire qui se clôt « comme chacun sait » se remet à un fait admis.
Voltaire se moque des croyances catholiques qu’il présente comme des superstitions stupides.
B. La satire de certaines croyances propres à la religion catholique
Voltaire ridiculise le clergé et les dévots.
1. A travers le prieur
Parce qu’il est ordonné, M. de Kerkabon n’a pas respecté son vœu de chasteté, il a eu des plaisirs charnels « après l’avoir été de ses voisines ». L’abbé lit Rabelais, ce qui n’est pas évidemment une lecture pieuse, car il fait l’étalage des plaisirs charnels (boire, manger, et le plaisir de la sexualité). On attendrait d’un prieur une connaissance précise, fine, le savoir religieux or St Augustin mais « Il savait honnêtement de théologie ».
2. A travers ses confrères
Voltaire fait une double critique : un goût immodéré pour la boisson ; il s’enivre, il s’empiffre sur le dos du peuple, c'est-à-dire que le peuple leur donne régulièrement de l’argent.
3. A travers Mlle de Kerkabon
« Dévote ». Elle est présentée comme une personnage dévot centré sur la religion, or elle semble s’intéresser aux plaisirs terrestres – les plaisirs charnels (eau des barbades)
Le texte remplit bien toutes les fonctions d’un incipit. Il est typique d’un incipit de conte philosophique.
Le conte philosophique : c’est un genre qui emprunte certaines caractéristiques du conte merveilleux et qui poursuit un double objectif :
- Les abus, le disfonctionnement de la société, donc de dénoncer. Voltaire s’en prend à l’Eglise.
- Faire réfléchir le lecteur.